Lexique du cyber-harcèlement au travail

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Introduction

Lexique du cyber-harcèlement au travail

Le cyber harcèlement au travail est un défi persistant dans l’ère numérique, brouillant les lignes entre vie professionnelle et privée. À travers un lexique précis, cet article vise à démystifier ce phénomène, explorant termes clés et solutions pour créer un environnement de travail respectueux et sécurisé.

Amplificateurs de tendances et TIC

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Le cyber harcèlement peut intensifier la fréquence et la gravité des actes de harcèlement, exacerbant ainsi l’impact psychologique des comportements perçus comme injustes, tels que les rumeurs et les commérages.

Les TIC facilitent la diffusion rapide et anonyme d’actes hostiles, rendant les comportements abusifs plus persistants et difficiles à contrôler. En outre, elles brouillent la frontière entre vie professionnelle et personnelle, permettant au harcèlement de se poursuivre en dehors de l’espace de travail traditionnel et contribuant ainsi à une vulnérabilité accrue des victimes.

Atteintes à la réputation

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Cette forme de cyberharcèlement implique la diffusion de fausses accusations, de rumeurs ou d’informations dénigrantes dans le but de nuire à la réputation professionnelle de l’individu. Les médias sociaux, les forums et les emails peuvent servir de vecteurs pour ces attaques. Un individu qui poste de fausses évaluations négatives sur les compétences professionnelles d’un collègue sur des plateformes publiques, affectant ainsi sa réputation et ses opportunités de carrière.

Dans la même veine, les échelles de mesure précitées mentionnent la manœuvre consistant à transférer des mails au contenu sensible à plusieurs destinataires pour discréditer l’expéditeur initial. Une autre tactique plus subtile consiste à recevoir un courriel puis à en modifier le contenu avant de le transférer. Il s’agit également de diffuser des rumeurs ou des informations confidentielles.

C’est le cas des salariés commerciaux qui reçoivent, sur leur compte Facebook ou X, des messages extrêmement violents de la part de clients mécontents cherchant ainsi à « régler leurs comptes ». Publier des contenus privés ou des photos ou des vidéos, s’inscrit dans la même logique.

Les travaux de Baumeister et al. (1996) sur l’auto-estime et la réputation mettent en lumière les effets à long terme de telles atteintes sur l’individu, y compris la perte de confiance et les difficultés relationnelles au travail.

Bullying (Harcèlement individuel)

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Le bullying fait référence à des actes répétés de harcèlement, d’intimidation ou d’agression dirigés vers une personne spécifique par un individu ou un petit groupe. Le bullying peut se manifester sous différentes formes, y compris verbale, physique, sociale ou psychologique, et, dans le contexte du cyberespace, il se traduit par des messages menaçants, des rumeurs en ligne, des moqueries sur les réseaux sociaux, ou le partage non consensuel d’informations personnelles.

Le caractère distinctif du bullying repose sur la nature dyadique ou triadique de l’interaction – il y a un harceleur (ou un petit nombre de harceleurs) et une victime. Cette dynamique crée un déséquilibre de pouvoir prononcé, où la victime se sent isolée et sans défense face à son ou ses agresseur(s).

Catégories de travailleurs vulnérables

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Certaines catégories de travailleurs sont identifiées comme étant particulièrement vulnérables au harcèlement, notamment dans le secteur public où le harcèlement traditionnel et cyber peut avoir un impact significatif sur le bien-être psychologique.

La notion de “Catégories de travailleurs vulnérables” fait référence à des groupes spécifiques au sein du milieu professionnel qui sont plus susceptibles de subir du harcèlement, notamment le cyber harcèlement, en raison de déséquilibres de pouvoir. Ces catégories incluent, mais ne sont pas limitées aux, femmes, jeunes employés, et ceux dans des postes hiérarchiquement inférieurs ou avec des contrats précaires. Ces groupes peuvent être plus exposés au harcèlement du fait de leur position moins puissante au sein de l’organisation, les rendant ainsi plus vulnérables aux comportements abusifs.

Certains groupes sont plus vulnérables car ils occupent souvent des positions moins puissantes ou précaires au sein des organisations, ce qui peut les exposer à des déséquilibres de pouvoir. Ces déséquilibres peuvent faciliter les comportements abusifs ou le harcèlement par ceux qui occupent des positions d’autorité ou de pouvoir supérieur. De plus, la précarité de leur situation professionnelle ou leur manque d’expérience peut réduire leur capacité à se défendre ou à signaler des abus.

Cyber-bullying : Définition et Impacts au Travail

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Le Cyber-bullying est décrit comme des actions d’intimidation ou d’agression menées par un individu à travers l’utilisation de technologies en ligne ou mobiles, visant à perturber de manière inappropriée et indésirable les interactions sociales (Piotrowski, 2012, p. 45). Lorsqu’il survient dans le cadre professionnel, le Cyber-bullying englobe tous les comportements négatifs émanant du contexte de travail et se manifestant via les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Ces actions peuvent être répétitives, s’étalant sur une certaine durée, ou ponctuelles mais suffisamment graves pour s’infiltrer dans la vie privée de la victime, la mettant potentiellement en spectacle devant un large public en ligne (Vranjes et al., 2018, p. 34). Cette forme de harcèlement rend les cibles impuissantes, incapables de se défendre face aux attaques.

Le Cyber-bullying partage avec le bullying traditionnel la répétitivité des actes et leurs conséquences sévères sur la santé mentale des victimes, incluant des messages agressifs anonymes, la propagation de rumeurs, le piratage de comptes emails, et d’autres formes de harcèlement numérique (Grigg, 2010, p. 146). Tant le bullying que le Cyber-bullying sont centrés sur des dynamiques de pouvoir et de contrôle au sein des relations.

Alors que le bullying traditionnel au travail est bien documenté, les recherches sur le Cyber-bullying professionnel sont moins développées. Les interactions numériques facilitent l’expression d’émotions négatives et dépendent excessivement de relations « numériques ». Les TIC créent une plateforme illimitée pour les agresseurs, permettant la continuation du harcèlement en dehors des heures de travail et engendrant un sentiment d’insécurité chez les victimes même dans ce qui devrait être leurs refuges (Kowalski et al., 2018). Le bullying en face à face est souvent jugé plus grave que le Cyber-bullying, mais les deux formes sont liées à des problèmes de santé significatifs, allant du stress post-traumatique à des troubles cardiovasculaires (Kivimäki et al., 2003).

Ce panorama souligne l’importance d’adopter des approches globales pour comprendre et combattre le Cyber-bullying dans les milieux professionnels, reconnaissant à la fois son unicité et son impact étendu sur les victimes.

Cyber-harcèlement 

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Le cyber-harcèlement au travail et le harcèlement moral traditionnel sont décrits comme des comportements indésirables et oppressants qui nuisent psychologiquement à la victime. Le cyber harcèlement se caractérise par l’utilisation des TIC pour perpétrer des actes de harcèlement, tels que des messages agressifs anonymes, la diffusion de rumeurs, et l’accès non autorisé à des informations personnelles, amplifiant les effets destructeurs sur la santé psychologique des victimes .

Cyber-harcèlement : Un paradigme distinct de violence numérique

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L’exploration des études anglophones sur le cyberharcèlement révèle qu’il ne faut pas le percevoir simplement comme une extension du harcèlement traditionnel. Les recherches soulignent que l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) telles que la messagerie électronique et les réseaux sociaux engendre des formes de violence uniques, distinctes de celles observées en contexte physique. Les attributs techniques des TIC amplifient non seulement les expressions et les impacts du harcèlement mais modifient également les dynamiques de pouvoir au sein des organisations. Le cyberharcèlement introduit de nouvelles formes de vulnérabilité, exacerbées par l’absence de régulations adaptées et la difficulté pour le droit de cerner cette problématique naissante.

Ces observations soulignent l’importance d’aborder la violence numérique à travers un cadre conceptuel attentif à l’influence du design et des fonctionnalités techniques sur les comportements. L’approche socio-matérielle, comme suggérée par Orlikowski (2009), offre une perspective enrichie qui dépasse le simple examen des usages, en reconnaissant l’impact des aspects techniques sur les interactions humaines (Voirol 2011).

En définitive, le cyberharcèlement ne se résume pas à l’aspect technologique; il reflète des dysfonctionnements plus larges au sein des organisations, tels que les problèmes liés à la transmission du sens, les idéologies justifiant des pratiques préjudiciables, ainsi que l’influence de la culture et des normes tacites. Il est essentiel pour les chercheurs en Sciences de l’Information et de la Communication (SIC) d’examiner le cyberharcèlement à travers ces diverses lentilles, pour mieux comprendre et combattre cette forme de violence contemporaine.

Cyber-Stalking

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Le cyber-stalking se manifeste par une surveillance excessive et intrusive exercée à travers des plateformes numériques. Cette forme de harcèlement se caractérise par un suivi minutieux des activités en ligne et hors ligne de la victime, souvent sous prétexte de superviser le rendement et la qualité du travail. L’objectif caché est de contrôler et d’intimider la victime, créant ainsi un environnement de travail toxique.

Un exemple classique est un superviseur qui utilise des logiciels de suivi pour surveiller de manière obsessionnelle les frappes au clavier, les mouvements de la souris, et même les pauses café de l’employé, allant jusqu’à commenter ou critiquer les habitudes de travail quotidiennes.

Des chercheurs comme Willard (2007) et Tokunaga (2010) ont étudié les aspects psychologiques et organisationnels du cyber stalking, soulignant ses impacts négatifs sur la santé mentale des employés et sur le climat de travail.

Détresse psychologique

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La détresse psychologique au travail est un état émotionnel négatif résultant de l’exposition à des facteurs de stress professionnels, tels que le harcèlement moral et le cyber harcèlement. 

La déviance comme norme organisationnelle

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Le cyberharcèlement soulève également des questions sur la relation entre la culture organisationnelle et la notion de déviance. Traditionnellement vue comme une anomalie au sein d’un ensemble de règles, la notion de déviance est contestée car elle peut, dans certains contextes, devenir la norme. Marie France Hirigoyen (2001) souligne que le harcèlement tend à s’épanouir dans des milieux toxiques où il n’est pas activement combattu, devenant de facto une norme implicite. Cette idée est corroborée par Lutgen-Sandvik et Tracy (2012) qui notent que si les comportements abusifs sont tolérés par la direction, c’est qu’ils sont considérés, implicitement, comme acceptables. Les études de Hutchinson et al. (2006) sur le harcèlement dans le secteur infirmier montrent que les cibles de harcèlement sont souvent celles qui dévient du “système de significations” de l’organisation, c’est-à-dire de ses normes et règles non écrites. De cette manière, les actes hostiles servent à renforcer l’ordre établi, signalant aux potentiels dissidents les conséquences de leur non-conformité. Ainsi, le cyberharcèlement devrait être vu non pas tant comme une déviance, mais comme le reflet d’un environnement de travail profondément dysfonctionnel, où des normes déviantes deviennent un moyen de contrôle et de conformité.

Impact durable du cyber-harcèlement : La répétitivité virtuelle

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La notion de “persistance” dans le contexte du contenu numérique joue un rôle crucial dans la vulnérabilité des individus face au cyberharcèlement. Contrairement à d’autres formes de violence qui peuvent se manifester par des actes isolés, le harcèlement se caractérise par la récurrence et l’escalade des comportements hostiles. Cependant, dans l’univers numérique, la notion de “répétition” acquiert une dimension unique. Un geste isolé, tel que la diffusion d’informations gênantes par e-mail ou la publication d’une critique acerbe sur les réseaux sociaux, peut suffire à engendrer des conséquences négatives prolongées. Ainsi, le cyberharcèlement présente un risque significatif et persistant pour la réputation professionnelle des personnes ciblées, illustrant la capacité d’un acte unique de harcèlement numérique à perdurer et à se répéter virtuellement dans le temps.

Justice organisationnelle comme médiateur

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La justice organisationnelle est soulignée comme un médiateur clé dans la relation entre le harcèlement (traditionnel et cyber) au travail et la détresse psychologique. Elle englobe la justice distributive, procédurale, interpersonnelle, et informationnelle, affectant la perception de l’équité au travail et jouant un rôle crucial dans la prévention des conséquences néfastes du harcèlement.

  • La justice distributive (l’équité des allocations et des récompenses) ;
  • La justice procédurale (l’équité des processus décisionnels),
  • La justice interpersonnelle (le respect et la dignité dans les interactions), et
  • La justice informationnelle (la transparence et la clarté de l’information communiquée).

Des auteurs comme Colquitt ont mis en évidence le rôle fondamental de la justice organisationnelle dans le maintien de relations de travail saines et dans la prévention des sentiments d’injustice pouvant mener au harcèlement. La justice procédurale, justice interpersonnelle et justice informationnelle sont donc cruciales pour la prévention du harcèlement au travail.

Rôle crucial du soutien social

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Le soutien social, provenant des collègues et superviseurs, est mis en avant comme un facteur atténuant les effets négatifs du harcèlement. Ce soutien est particulièrement efficace contre le cyber harcèlement, proposant une voie de médiation complète pour réduire la détresse psychologique, soulignant l’importance de la hiérarchie dans la prévention du harcèlement. Des chercheurs comme Karasek et Theorell ont souligné l’importance du soutien social comme facteur protecteur contre le stress professionnel et comme contributeur à un environnement de travail positif. Le soutien social au travail est ainsi un pilier de la prévention du harcèlement au travail.

Isolement numérique

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L’isolement numérique se produit lorsque la victime est délibérément exclue des communications électroniques nécessaires au travail. Cela peut prendre la forme de non-réponses systématiques aux emails, d’exclusion de réunions virtuelles ou de groupes de travail en ligne. 

Par exemple, un membre de l’équipe qui ignore de manière répétée les demandes d’informations par email d’un collègue, l’empêchant de participer pleinement aux projets de l’équipe. Cela peut également le refus d’envoyer des dossiers ou des fichiers indispensables à la réalisation d’une tâche.

Recherche associée : Ferreira et al. (2015) discutent des impacts de l’exclusion sociale dans les environnements numériques, notant une baisse de la motivation et une augmentation du sentiment d’inutilité parmi les victimes.

Menaces anonymes

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Les menaces anonymes comprennent l’envoi de messages intimidants ou menaçants sans révéler l’identité de l’expéditeur. Cette anonymité accroît le sentiment de vulnérabilité et d’impuissance chez la victime, exacerbant l’anxiété et la peur.

Par exemple, recevoir des messages privés sur les réseaux sociaux qui menacent de divulguer des informations personnelles ou de saboter la carrière de la personne si certaines conditions ne sont pas remplies.

Citron (2014) explore les ramifications juridiques et psychologiques des menaces en ligne, soulignant la nécessité de politiques plus strictes pour protéger les victimes de telles tactiques d’intimidation. 

Messages Blessants

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Les messages blessants sont caractérisés par l’envoi délibéré de communications qui dénigrent, ridiculisent ou critiquent de manière agressive le travail ou la personne. Cette forme de cyberharcèlement utilise souvent un langage hostile, des majuscules et une ponctuation excessive pour souligner le mécontentement ou l’agressivité.

Par exemple, un collègue qui envoie des emails répétés critiquant violemment la qualité d’un projet, en utilisant un ton méprisant et des mots tels que “inacceptable” ou “médiocre”, souvent en copie à plusieurs membres de l’équipe.

Smith et al. (2008) ont examiné les effets dévastateurs de la communication négative sur les réseaux sociaux et par email, notant une augmentation du stress et une diminution de l’estime de soi chez les victimes.

Répercussions numériques du mécontentement professionnel

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Dans l’étude menée par D’cruz et Noronha, un cas notable est mis en avant où des employés, confrontés à un licenciement imminent pour raisons économiques, ont exprimé leur frustration en ligne. Ces derniers ont rédigé des articles de blog critiques, dénonçant ouvertement les conditions de travail et les approches de gestion de leur entreprise. Parallèlement, divers responsables au sein de la même organisation ont été la cible de commentaires offensants sur leurs profils de réseaux sociaux, envoyés par un individu non identifié. Ce comportement est interprété comme étant l’œuvre d’un salarié mécontent cherchant à se venger de manière anonyme, ce qui a entraîné une gêne considérable parmi les cadres concernés.

Piratage et actes malveillants

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Cette catégorie inclut l’accès non autorisé et l’altération ou la suppression de données personnelles ou professionnelles. Ces actions visent à causer un préjudice direct à la victime, affectant sa performance au travail et sa sécurité personnelle. Par exemple, un salarié qui réussit à obtenir les mots de passe d’un collègue et utilise cet accès pour supprimer des fichiers essentiels à un projet important.

Coleman (2013) explore la culture du piratage informatique, soulignant la nécessité de comprendre les motivations derrière ces actes pour mieux protéger les victimes et prévenir de futurs incidents.

Vulnérabilités Liées aux TIC

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Vulnérabilités Liées aux TIC et le cyber harcèlement

  • Porosité des sphères professionnelle et personnelle : Les TIC effacent les frontières entre travail et vie privée, amplifiant les effets du harcèlement.
  • Impunité et persistance des contenus numériques : La difficulté à réguler et à sanctionner le cyber harcèlement renforce le sentiment de vulnérabilité des victimes.

Outils de harcèlement et de mobilisation dans les conflits professionnels

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Les analyses deNoronha (2013) mettent en lumière un phénomène où des propos agressifs et des conflits sont intentionnellement rendus publics, évoquant l’image de personnes “lavant leur linge sale en public”. Cette démarche pousse à réfléchir sur les motivations qui incitent les individus à exposer leurs griefs de manière aussi visible. Un premier point à considérer est le rôle des témoins dans les conflits professionnels. Selon les recherches sur le sujet, il apparaît fréquemment que les parties impliquées cherchent à obtenir le soutien d’autrui. Sans résolution, cette quête de soutien peut mener à la polarisation et à la création de factions (clans) au sein de l’organisation. L’utilisation de la messagerie électronique ou des réseaux sociaux pour divulguer publiquement un désaccord sert alors à rallier des alliés de manière rapide et efficace.

De plus, l’aspect performatif de la communication écrite ajoute une couche de crédibilité à la critique ou à la plainte, par rapport à une expression verbale.

Ces observations soulignent combien les outils et les plateformes de communication modifient non seulement les modalités du harcèlement mais aussi les interactions entre les participants.

Porosité des frontières professionnelles : Cyberharcèlement et pression constante via les TIC

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Dans l’ère actuelle, caractérisée par une utilisation intensive des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), la distinction entre vie professionnelle et vie privée s’estompe de plus en plus. Cette fusion des sphères, bien que technologiquement avancée, porte en elle des conséquences notables, particulièrement en ce qui concerne le harcèlement professionnel. Des recherches menées par D’cruz et Noronha révèlent que le cyberharcèlement s’étend au-delà des espaces et horaires de travail traditionnels, plongeant les victimes dans un état de stress et de pression perpétuels. Ces études mettent en lumière des cas où des employés se sentent « pris au piège » ou « traqués », illustrant des situations où, par exemple, une superviseuse envoie des critiques par mail après les heures de bureau, visant à maintenir une pression constante sur ses subordonnés.

Le cyberharcèlement via les réseaux sociaux introduit une dynamique particulière en raison de l’ubiquité, de l’anonymat et de la rapidité de diffusion, créant un déséquilibre de pouvoir flagrant entre l’agresseur et la victime. Malgré la possibilité de conserver des traces numériques des abus, qui pourraient théoriquement servir de preuves dans un contexte légal, les limites actuelles du droit dans l’adressage de ces cas, surtout lorsqu’ils impliquent des interactions privées sur des plateformes considérées comme personnelles, rendent la lutte contre le cyberharcèlement particulièrement complexe.

Répétitivité virtuelle

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La notion de “persistance” dans le contexte du contenu numérique joue un rôle crucial dans la vulnérabilité des individus face au cyberharcèlement. Contrairement à d’autres formes de violence qui peuvent se manifester par des actes isolés, le harcèlement se caractérise par la récurrence (répétition qui a pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail) et l’escalade des comportements hostiles.

Cependant, dans l’univers numérique, la notion de “répétition” acquiert une dimension unique. Un geste isolé, tel que la diffusion d’informations gênantes par e-mail ou la publication d’une critique acerbe sur les réseaux sociaux, peut suffire à engendrer des conséquences négatives prolongées. Ainsi, le cyberharcèlement présente un risque significatif et persistant pour la réputation professionnelle des personnes ciblées, illustrant la capacité d’un acte unique de harcèlement numérique à perdurer et à se répéter virtuellement dans le temps.

La bipolarité de l’harcèlement en ligne

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Les victimes de harcèlement à travers les moyens de communication numériques ne subissent pas forcément le même traitement en interaction directe. Ce phénomène crée une situation déconcertante pour la personne ciblée, due à la dualité des comportements de l’agresseur. 

En effet, l’agresseur peut apparaître neutre ou même aimable en personne, mais se transformer radicalement dans les échanges en ligne. La réelle agressivité se manifeste uniquement lorsque l’agresseur se sent abrité derrière les écrans et les outils numériques. D’cruz et Noronha (2013) identifient cette dynamique comme une forme de communication déséquilibrée, où la victime ne dispose d’aucune opportunité pour dialoguer ou confronter l’agresseur dans le but de rectifier cette relation asymétrique.

Sensemaking pour le cyber-harcèlement

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Dans le domaine de la recherche sur le harcèlement, un concept clé qui émerge est celui du sensemaking, ou la construction du sens, autour des expériences de harcèlement.

Selon des études de chercheurs, ce processus implique que les victimes donnent un sens à leurs expériences de harcèlement à travers des discussions postérieures avec leur entourage, incluant amis, collègues, et représentants syndicaux. L’importance de parler du harcèlement réside dans la validation ou l’infirmation des sentiments de la victime par ces échanges. La confirmation des ressentis offre un soutien et un réconfort, tandis que leur remise en question peut engendrer confusion et isolement.

Ces recherches soulignent combien les interprétations co-construites des événements peuvent motiver les victimes à agir ou, à l’inverse, les pousser vers la résignation et l’acceptation passive de leur situation. L’analyse des métaphores utilisées par les victimes pour décrire leur vécu révèle l’impact significatif de ces représentations sur leur capacité à répondre au harcèlement.

Par exemple, comment un employé, voyant son supérieur comme une incarnation du mal et se percevant dans une situation comparable à un “Holocauste”, peut-il trouver la force de réagir ? Cette hyperbolisation conduit souvent à une vision déformée et pessimiste des possibilités d’action.

Dans un registre similaire, les travaux d’Alice Marwick et Danah Boyd en 2014 auprès de jeunes confrontés au cyberharcèlement montrent une tendance des victimes à minimiser leurs expériences en utilisant des termes atténués comme “drama”, réduisant ainsi l’apparente gravité de leur situation. Ce choix de vocabulaire contribue à une sous-estimation du préjudice subi, soulignant la complexité de la dynamique du harcèlement et la nécessité de stratégies de sensibilisation et de soutien adaptées.

Impact durable du cyber-harcèlement : La répétitivité virtuelle

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La notion de “persistance” dans le contexte du contenu numérique joue un rôle crucial dans la vulnérabilité des individus face au cyberharcèlement. Contrairement à d’autres formes de violence qui peuvent se manifester par des actes isolés, le harcèlement se caractérise par la récurrence et l’escalade des comportements hostiles. Cependant, dans l’univers numérique, la notion de “répétition” acquiert une dimension unique. Un geste isolé, tel que la diffusion d’informations gênantes par e-mail ou la publication d’une critique acerbe sur les réseaux sociaux, peut suffire à engendrer des conséquences négatives prolongées. Ainsi, le cyberharcèlement présente un risque significatif et persistant pour la réputation professionnelle des personnes ciblées, illustrant la capacité d’un acte unique de harcèlement numérique à perdurer et à se répéter virtuellement dans le temps.

Influence des communications organisationnelles sur la perception du cyberharcèlement

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Au sein des organisations, la formation du sens est un processus interactif et culturel, façonné par les communications managériales et institutionnelles. Il est crucial pour les spécialistes de la communication organisationnelle d’examiner comment les discours autour du cyberharcèlement, ainsi que les termes choisis pour le décrire, affectent les comportements et les attitudes. Ces communications peuvent-elles atténuer la perception du problème ou encouragent-elles plutôt une mobilisation vers des stratégies préventives? Prenons l’exemple d’Agnès Vandevelde-Rougale (2016), qui critique les approches conventionnelles de prévention des risques psychosociaux (RPS) et de promotion de la qualité de vie au travail (QVT). Selon elle, concevoir le harcèlement exclusivement comme un risque psychosocial entraîne une réduction de la parole, limitant la capacité des individus à exprimer et à traiter le problème. De plus, Vandevelde-Rougale argue que les cadres professionnels adoptés pour aborder ces questions tendent à confiner les personnes dans une perspective qui les incite à rechercher les causes de leur situation dans leur propre comportement, alimentant ainsi un cycle de culpabilité et de dépréciation personnelle.

Le cyberharcèlement: miroir des dysfonctionnements organisationnels

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Lutgen-Sandvik et Tracy (2012) lient étroitement le harcèlement à la culture et aux discours prévalant au sein des organisations. Selon François Daniellou (2010), le harcèlement moral est souvent le symptôme d’une organisation défaillante. Plusieurs études, tant dans le domaine francophone qu’anglophone, ont révélé qu’il existe une ligne fine entre le harcèlement et certaines pratiques managériales qui négligent l’aspect humain. Dans cette optique, des comportements numériques perçus comme intrusifs, autoritaires ou agressifs ne reflètent pas nécessairement une volonté de harceler. Ils peuvent plutôt émaner d’une chaîne de pression se propageant à travers les niveaux hiérarchiques de l’organisation. Les recherches, y compris celle menée par Vranjes et al. (2018), démontrent un lien entre la surcharge de travail, l’insécurité de l’emploi, une gestion autoritaire et l’émergence du cyberharcèlement. De Gaulejac et Hanique (2015) vont jusqu’à considérer le cyberharcèlement comme une conséquence de pratiques managériales dures, valorisées par une idéologie prônant l’efficacité et la performance à tout prix.

Résistance numérique: solidarité et soutien entre pairs

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Pamela Lutgen-Sandvik, dans son étude de 2006, met en lumière les stratégies de résistance employées par les victimes de harcèlement, soulignant l’importance du soutien des pairs. Elle décrit comment les victimes, en groupes, peuvent user de moqueries ou envisager des représailles symboliques contre les harceleurs, telles que fantasmer sur l’idée de nuire à un supérieur abusif. Ces formes de résistance, traditionnellement limitées à des cercles restreints, gagnent en visibilité avec les technologies de l’information et de la communication (TIC), suggérant une transition vers des actes de revanche plus qu’une simple résistance.

La revanche digitale et renversement des rapports de pouvoir grace à cyberharcèlement

Lexique du cyber-harcèlement au travail

Les TIC transforment les tactiques discrètes de vengeance en manifestations publiques. Ces “revanches”, affichées sur les réseaux sociaux ou l’intranet, ne sont pas seulement des expressions de souffrance mais aussi des tentatives de rééquilibrage des rapports de pouvoir au sein des organisations. L’usage des TIC pour exprimer des griefs illustre une évolution des dynamiques de pouvoir, offrant aux employés des moyens inédits pour contester l’autorité et partager leurs expériences négatives au travail.

Les TIC: Entre fluidification de la communication et expression du mécontentement

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Initialement envisagées comme des outils pour faciliter la communication et améliorer la coordination, les TIC se révèlent être des vecteurs puissants pour l’expression du mécontentement et la revendication des droits des employés.

La technologie destinée à optimiser le fonctionnement organisationnel peut aussi servir de plateforme pour la contestation et la critique. Il met en évidence le besoin urgent d’espaces de discussion au sein des organisations pour aborder les problèmes liés au travail, dans un contexte où les dispositifs traditionnels de dialogue ont perdu de leur efficacité et où les risques psychosociaux liés à l’hyperconnexion augmentent.

Cyberharcèlement: Un paradigme distinct de violence numérique

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L’exploration des études anglophones sur le cyberharcèlement révèle qu’il ne faut pas le percevoir simplement comme une extension du harcèlement traditionnel. Les recherches soulignent que l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) telles que la messagerie électronique et les réseaux sociaux engendre des formes de violence uniques, distinctes de celles observées en contexte physique. Les attributs techniques des TIC amplifient non seulement les expressions et les impacts du harcèlement mais modifient également les dynamiques de pouvoir au sein des organisations. Le cyberharcèlement introduit de nouvelles formes de vulnérabilité, exacerbées par l’absence de régulations adaptées et la difficulté pour le droit de cerner cette problématique naissante.

Ces observations soulignent l’importance d’aborder la violence numérique à travers un cadre conceptuel attentif à l’influence du design et des fonctionnalités techniques sur les comportements. L’approche socio-matérielle, comme suggérée par Orlikowski (2009), offre une perspective enrichie qui dépasse le simple examen des usages, en reconnaissant l’impact des aspects techniques sur les interactions humaines (Voirol 2011).

En définitive, le cyberharcèlement ne se résume pas à l’aspect technologique; il reflète des dysfonctionnements plus larges au sein des organisations, tels que les problèmes liés à la transmission du sens, les idéologies justifiant des pratiques préjudiciables, ainsi que l’influence de la culture et des normes tacites. Il est essentiel pour les chercheurs en Sciences de l’Information et de la Communication (SIC) d’examiner le cyberharcèlement à travers ces diverses lentilles, pour mieux comprendre et combattre cette forme de violence contemporaine.

Mobbing (Harcèlement collectif)

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Le mobbing se réfère à une forme de harcèlement où un individu est ciblé par un groupe plus large, souvent dans un contexte professionnel ou organisationnel. Le mobbing comprend des comportements hostiles soutenus, tels que la marginalisation, la diffamation, l’isolement professionnel, et la dépréciation systématique du travail et des contributions de l’individu.

À l’inverse du bullying, le mobbing implique une dynamique collective où plusieurs personnes participent au harcèlement d’une seule victime. Cette forme de harcèlement est particulièrement destructrice car elle bénéficie de la légitimité implicite ou explicite de l’organisation et crée un environnement où la victime se sent assiégée de toutes parts, souvent sans échappatoire clair.

Sources

  • Workplace Cyber Bu//ying: a Review of Eng/ish-speaking Academic Literature
  • How do cyber- and traditional workplace bullying, organizational justice and social support, affect psychological distress among civil servants? Pascale Desrumaux, Catherine Hellemans, Pascal Malola, Christine Jeoffrion Dans Le travail humain 2021/3 (Vol. 84), pages 233 à 256, éditions Presses Universitaires de France

 

Formations

Mis à jour le 07/04/2024

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